"Avant je disais : je suis aveugle de l'oeil droit et d'une partie de l'oeil gauche. Maintenant, c'est un peu différent, je dis : je ne vois pas de l'oeil droit. Il y a une nuance.
C'est important les nuances".

La voix est tranquille, le sourire large. Ses CAP et BEP couture-tailleur homme en poche, Katia part deux ans à Lyon. "Je n'avais pas envie de continuer jusqu'au bac et j'avais envie de bouger". Le message est clair, Katia est une battante. Gonflée à bloc, elle obtient un brevet des métiers du spectacle.
Costumière de théâtre, elle éprouve cependant de nombreuses difficultés à trouver un emploi. Elle multiplie les boulots d'habilleuse dans différents théâtres de Lyon, mais se retrouve ensuite au chômage. "J'ai envoyé des centaines de courriers mais toujours la même réponse. Négative…". Décourageant.
"C'est très dur, mais on reprend le dessus" lâche t-elle entre deux étiquetages. Cette période difficile va durer quatre ans. "Heureusement que ma mère était là durant toutes ces années pour m'aider et m'héberger". Silence. Et puis il y a trois ans, Katia monte à Paris suivre une formation de costumière au Club Méditerranée. Toujours la même envie de bouger. "La formation était vraiment très intéressante, et l'ambiance excellente" s'enthousiasme-t-elle. Mais seules les 4 personnes les plus âgées sont retenues. Katia n'en fait pas partie. A nouveau, la galère et son menu de petits riens.
2001 est une année importante. Katia suit une formation dans la vente "pour ne pas rester à rien faire. Je n'en pouvais plus de ne rien faire, c'est l'horreur". A ces mots, on sent vraiment que les années passées ont été difficiles. Pénibles même. En août, Cap Emploi la contacte pour l'aider à chercher un emploi. D'abord elle refuse. Les CV, les lettres de motivation, Katia en a déjà écrit des centaines. "Je me suis forcée à y aller en me disant que ça pouvait m'apporter quelque chose". Là-bas, "j'ai mis un coup de punch à leur structure en motivant les gens autour de moi". Pas étonnant quand on connaît son énergie si communicative ! "J'aime bien aider les gens, les motiver et les aider à être autonomes, surtout par rapport à un handicap, c'est très important" explique-t-elle. Katia retourne d'ailleurs régulièrement à Cap Emploi pour continuer d'aider ceux qui sont encore au chômage. Le courant est bien passé. "Ça m'a aidé parce que je faisais quelque chose et j'aidais les autres".


A Cap Emploi, Katia apprend aussi à parler de son handicap lors des entretiens d'embauche, à nuancer, à dire les choses différemment. "Je suis quelqu'un qui se fait l'idée qu'il n'est pas handicapé, et je suis très bien comme je suis. Pourquoi ? Parce cela fait longtemps que je suis passée au-dessus de mon handicap". A ces mots, Katia marque un temps d'arrêt. L'opération est loin déjà, elle avait huit ans. "Moi mon handicap, je n'en parlais pas. On nous a dit, vous avez un choix à faire, c'est personnel, on ne peut pas se mettre à votre place." A nouveau, Katia fait une pause. "Mon handicap, ça fait 16 ans que je fais avec, car il y a pire, et j'ai vu pire". Tout est dit.
Au bout de quelques semaines, Cap Emploi lui trouve un emploi à Kiabi. Elle est embauchée en octobre 2001 comme vendeuse rayon enfant en CDI à temps partiel. Caisses, rayon, étiquetage, retouche, cabine, pas le temps de souffler. "On passe beaucoup de temps à ranger et trier les vêtements". Par modèles, couleurs et tailles. "Parfois, ce n'est pas facile car je fatigue, mais je passe au-dessus, je me débrouille".
Sens du service au client, gentillesse, efficacité comptent parmi les qualités de Katia. "Le travail commence à me plaire". Son rêve ? "Devenir styliste et créer une ligne de vêtements pour les jeunes un peu forts" confesse-t-elle à demi-mots. Un défi et une leçon : plus fort que les épreuves, les doutes, les errances, le sourire de Katia.

©photos : Marie-laure Costa

texte mis à jour le :  11 février 2005